
Ultime Trait Lèger Français
Le Cheval Castillonnais, Ultime « Trait Léger » Français
Ce n’est qu’ à partir des années 70, et bien timidement, que le paysage hippique français a élargi ses horizons. Au préalable, les poneys faisait figure, trop souvent, de « chevaux ratés », les chevaux de Trait de gros c…voués à l’extinction, les chevaux étrangers, des chevaux de cirque, quant aux ânes et mulets celui qui aurait prédit leur prochain engouement serait passé pour fou.
En filigrane de cette mouvance, renforcée par les instructions
européennes auxquelles l’administration des Haras a du s’adapter, une
préoccupation nouvelle, de sensibilité naturelle, douce, j’allais dire «
écologique » : la sauvegarde des races menacées…
Le Cheval Castillonnais à sans doute bénéficié de ces bouleversements,
pour convaincre le Ministère de l’Agriculture, d’une part de la réalité de son
existence et partant, de la nécessité de sa reconnaissance.
Une histoire d’hommes : Gabriel, Lucien,
Olivier, Claude et les autres…
C’est en 1992 après …19 ans de haute lutte, que le Ministère
de l’Agriculture, via le bureau de l’Elevage a entériné officiellement,
l’existence du Cheval Ariégeois de Castillon. Mais, avant d’en arriver là, que
d’efforts…
Efforts accomplis par des hommes bien sûr, car se sont eux, ne l’oublions
jamais, qui « font » les chevaux.
Le premier d’entre eux se nommait Gabriel Lamarque. Un homme
de cheval averti, notable gentleman-farmer à Rieucros en Ariège, qui cumule
dans les année 1908, entre autre, les fonctions de Président de la Société
d’Agriculture de l’Ariège et de Président de la Société des courses de
Toulouse. Cet Homme éclairé, cultivé, éminemment instruit des choses de
l’élevage et de l’Agriculture de son pays, a le bon goût d’écrire, en
particulier sur la race chevaline ariégeoise qu’il aime, décrit et défend. Pour
cet homme d’une évidente compétence, la race ariégeoise est une et indivisible.
Elle se rencontre du Pic du midi de Bigorre ( Hautes Pyrénées) jusqu’au Canigou
( Pyrénées Orientales) en passant bien sûr par le Couserans et la vallée de
l’Ariége. Sa robe est décrite pour reprendre une terminologie ancienne, « sous
poil obscur » c’est à dire toutes les nuances du Bai, jusqu’au Noir.
C’est sans doute grâce aux efforts de cet homme méritant
qu’un autre personnage-clé dans la genèse du cheval ariégeois, peut intervenir
dès la fin de la guerre pour officialiser en 1947 le Livre Généalogique du
Cheval de « Trait Ariégeois ». Il s’agit de la 1ière dénomination du cheval de
la haute vallée de l’Ariége, anciennement « Mérenguais » (c’est à dire habitant
du petit village de Mérens –les-vals, avant dernier bastion de civilisation
avant le Col du Puymorens, frontière naturelle avec la Catalogne et l’Andorre)
.
Il s’agit de Lucien Lafont de Sentenac, officier des Haras,
de vielle souche ariégeoise. Cet homme sage et averti, a bien compris qu’il
fallait absolument officialiser la petite race de son pays pour qu’elle puisse
avoir quelque chance de survivre aux bouleversements funestes de l’après
guerre. Reconnaissons qu’il fallait voir plus loin que le bout de son nez à
cette époque où déjà, le cheval de Trait ne se demandait plus ni en ville ni en
campagne, et le cheval de Loisirs n’existait pas ..
Mais le père de la race de Mérens ne pouvait pas être plus
catholique que le pape. Le standard qu’il a proposé à la signature du Ministre
de l’Agriculture de l’époque ne comportait que la robe Noire, tout simplement
parce que, grâce à un syndicat d’élevage fondé en 1933, les éleveurs de
Mérenguais étaient organisés, en particulier au niveau de l’étalonnage en
montagne et des concours d’élevage.
La sauce n’avait pas pris en Couserans ( partie ouest du
département, d’ethnie Gasconne, alors que la vallée de l’Ariège appartenait
jadis au Languedoc) où les éleveurs, allergiques à toute forme de
réglementation, n’avaient pas cru bon de s’organiser collectivement pour
défendre les intérêts de leurs chevaux autochtones.
Il fallut attendre l’année 1971, lorsque votre serviteur
entra discrètement dans l’histoire du cheval ariégeois, pour tenter de réunir
les 2 populations Mérenguaise et Castillonnaise, dans un même Stud Book tout en
respectant leur particularisme de robe.
Las ! Mes tentatives ne furent pas assez convaincantes. Les
éleveurs de Mérenguais, très jaloux de leurs premiers succès et culturellement
« différents » pour ne pas dire opposés, à leurs frères Gascons, furent
intraitables et refusèrent catégoriquement de partager « leur » Livre. Les
histoires de famille sont toujours les plus sordides. Tant pis. Cela aurait été
beaucoup plus simple à gérer, mais décidément dans ce pays charmeur, rien n’est
simple. Sans doute une résurgence Cathare !
Les évènements s’accélèrent en 1977 lors d’une tournée
d’inscription à titre initial d’une jumenterie de Mérens d’un type très ancien
et très pur, propriété d’un ci-devant Monsieur Robert Teychenné au lieu dit «
Les Baydoux » à la frontière entre les 2 « Pays » ariégeois : le Séronnais. La
mission est conduite par Mr Charpentier, directeur du Dépôt d’étalons de Tarbes
et futur Inspecteur Général, dont le laxisme n’est pas le principal défaut…
Là, sont proposés à l’appréciation de la commission , d’une demi-douzaine de
poulinières et un cheval mythique répondant au nom judicieux de Zorro ( le «
renard » de l’autre côté de la frontière sauvage). Rebaptisé Fier-Zorro par mes
soins pour le mettre à la lettre, le susdit petit étalon au bout du nez roux,
aurait peut être fui au triple galop, s’il avait su la lourde responsabilité
que la décision de la Commission allait lui imposer.
C’est à partir de lui, en effet , que la résurgence de cette variété oubliée
allait débuter.
Restait à résoudre le problème administratif posé par ces animaux « hors livre
».
Qu’à cela ne tienne, Luc Ferrier de Montal, successeur à Tarbes de Mr
Charpentier, baptisera les animaux de « Trait ariégeois de type Castillonnais
», avec la bénédiction de l’Inspecteur Général Philippe Barbié de Préaudeau,
invité sur place à observer les sujets de plus en plus nombreux à venir aux
rassemblements organisés en Couserans pour les identifier.
Apparaît à cette époque, nous sommes en 1981, Claude Ané,
maire de Castillon qui se dévoua corps et âme, jusqu’à son décès accidentel en
2003 à la mise en valeur de la race, dont sa commune, ancienne capitale du
Couserans devenait l’éponyme.
Non seulement Monsieur le maire portera sur les fonds
baptismaux l’actuel syndicat des éleveurs mais il va jusqu’à prendre un arrêté
municipal portant encouragement à l’élevage de cette race et surtout, donne
l’exemple en se portant acquéreur du célébrissime Fier-Zorro et de poulinières
dont Tempête II, jument base. Cette jument a déjà été sauvée par un éleveur
convaincu de la première heure : Pierre Corrège. Il sait l’importance de la
conservation d’animaux de tête d’une part ( Tempête, Bise, Cumulus de Bigorre,
Coquette etc.….) et celle de l’avancement du dossier de reconnaissance jusqu’à
son aboutissement. Il fut ainsi, dans la genèse du Cheval Castillonnais, fidèle
à sa devise : « Laisser croire…et servir ! »
La dernière ligne droite
Tout est bien…qui finit mal. A nouveau sollicité pour
héberger administrativement, son frère Couserannais, le Conseil
d’Administration du Syndicat Hippique de la race Ariégeoise dite de Mérens,
plus connu sous le nom de SHERPA refuse une nouvelle fois, craignant tout
simplement la concurrence. S’ensuit une décennie d’errance au cours de laquelle
les poulinières sont livrées, selon le degré de foi de leur propriétaire, soit
à l’étalon Breton, soit à l’étalon de Mérens. Les mâles issus de ces accouplements
sont sacrifiés, les femelles parfois conservées à l’élevage. Inutile d’indiquer
que les éleveurs sont extrêmement découragés. Beaucoup de poulinières, et non
des moindre sont sacrifiées.
On doit à Jean François Nantet ( actuel Directeur du plus
prestigieux de nos Dépôts d’étalons, celui de St Lô dans la Manche, antichambre
de nos médailles olympiques) la reprise du dossier. Sensible à l’air du temps
qui veut qu’on accorde crédit au patrimoine animal, le nouveau directeur du
Haras de Tarbes, s’empare du dossier en recherchant de nouveaux partenaires.
En mars 1992, il organise une table ronde où, bien sûr les
incorruptibles déjà cités sont là, mais aussi, l’INRA de Toulouse qui va
confier à Annick Audiot, bien connue pour son cri d’alarme en faveur du baudet
du Poitou, la création du « Conservatoire du Patrimoine Biologique Régional de
Midi Pyrénées » dans lequel le Cheval Castillonnais va trouver naturellement sa
place, aux côtés de la vache Casta, du braque Ariégeois etc…
Cette réunion décisive aura l’effet d’une poignée de copeaux
sur la braise. L’espoir renaît. Dès l’an 1992, la population subsistant est
munie de transpondeurs et 4 étalons sont admis à la monte publique, un état
civil provisoire peut être mise en place à partir des naissances 1993 dans
l’attente de l’attache officielle du Ministère de l’Agriculture qui permettra
au Service d’Identification répertoriant les Equidés (SIRE) de « faire avaler
tout cela par la machine ».
Après fourniture d’un dossier conséquent, riche d’archives écrites et
iconographiques. Le Ministère via le Service des Haras reconnaît l’existence de
la race en 1996, OUF !!
Flash-Back.
Si le Ministère s’est laissé attendrir, ce n’est ni par
faiblesse, ni par incompétence, vous le devinez. Le dossier qu’il a en main
re-précise en effet, pourquoi et comment la vaillante race de Castillon n’est
ni le fruit du hasard ni celui, plus opportuniste, de l’électorat local.
Remontons le cours du temps : en 1807 Napoléon, gros
consommateur de chevaux de cavalerie, crée le Dépôt d’étalons de Tarbes.
Raoul de Bonneval, éminent zootechnicien en sera le premier
Directeur. Il règne sur un contingent de 16 étalons Espagnols pour essuyer les
plâtres. Ce n’est pas un hasard. Le sang ibérique coule déjà à flot dans toutes
les populations chevalines Pyrénéennes. Cela paraît saugrenu aujourd’hui de
comparer un pottock et un Anglo-Arabe, un poney Landais et un Cheval de
Mérens…et pourtant ils ont, soyez en certains, tous, une trace, plus ou moins
visible, de sang ibérique.
En Ariége, on fait de la résistance…il ne peut être autrement et les gardes
étalons Royaux prédécesseurs de l’Administration des Haras proposent déjà des
étalons cordouans à leur peu fidèle clientèle.
Mais gageons que de près ou de loin, les fils des étalons
ibérisés imposés par l’Etat ont largement imprégnés la population chevaline
locale.
C’est à ce point vrai, que les cavales Pyrénéennes, lorsque
Eugène Gayot, Directeur Général des Haras et plumiste abondant, père officiel
de la race Anglo-Arabe, sont décrites ainsi en 1861, dans son « Atlas dans la
France Chevaline » :
« la musculature et l’ossature sont grêles, le modèle réduit, assez plat et
enlevé, les aplombs défectueux, la tête forte, sus busquée, assez mal coiffée,
la crinière crêpelée et le poil sombre ; avec cela une frugalité proverbiale,
une souplesse propre aux airs de manège, une ardeur au travail unanimement
reconnue et une aptitude ahurissante à se transformer à son avantage lorsqu’il
jouit de soins appropriés » Cela vaut, vous en conviendrez, la meilleure
photographie.
A cette époque, dans le Couserans et particulièrement dans
les vallées du Biros ,de la Bellelongue et de Bethmale, cœur du berceau
Castillonnais, la jumenterie locale fait l’objet d’un commerce florissant.
C’est ce que nous rappelle Serge Chevalier dans son passionnant ouvrage « La
vie humaine dans les Pyrénées Ariégeois » en précisant que les cavales du haut
Couserans jouissaient d’excellente réputation de voiturières élégantes et
rapides, jusque dans le Comminges voisin ( actuelle partie sud du département
de la Haute Garonne).
L’étalon Anglo-Arabe de l’Etat, stationné de tout temps (
jusqu’à la fermeture de la station en 2002) n’est d’ailleurs peut être pas
étranger au tissus si fins, à la distinction caractéristique et à l’énergie des
poulinières du crû. Dans tous les cas, c’est à cet endroit que la Remonte
Militaire a exercé sa mission, en achetant des chevaux Ariégeois
jusqu’après-guerre …sans doute parce qu’elle pouvait s’y fournir.
Pour la bonne bouche et enflammer les imaginations, on ne
peut quitter l’histoire, ou la légende ?, racontée par le comte Jacques
Begouen, chantre du Couserans, mettant en scène un certain « Jouanissou » qui,
poussé par la misère, s’en serait allé suivant des marchands ambulants, jusqu’à
la Grèce ( alors sous dominance Turque).
Comme les saumons qui viennent frayer dans les torrents de leur naissance, les
Ariégeois rejoignent un jour ou l’autre, leur « Terrà Mairalà » ( Terre
maternelle). Jouanissou, n’échappa pas à la règle et s’en revint, fortune
faite, entouré de femmes d’une beauté inconnue, montées sur de petits chevaux,
rondouillards et hirsutes, habillées richement d’étoffes colorées, chaussées de
curieuses chaussures à pointes relevées, accompagnées de chèvres….Cela effraya tant
les populations misérables locales, qu’on surnomma la vallée « vallée maudite »
( Bethmale). Quelle est la part de réalité et celle de légende ? Bien malin est
celui qui peut argumenter dans un sens ou l’autre. Toujours est il que les
filles du cru ont toujours été plus belles qu’ailleurs, avec leur nez Arlésien
ou Grec, choisissez !!leurs costumes chatoyants totalement incongrus en
Pyrénées Centrales, et leurs drôles de sabots pointus, uniques au monde,
représentés sur la marque au fer ( on ne pouvait y échapper) signe distinctif
des Chevaux de Castillon « appellation contrôlée ».
Beaucoup plus récemment, il serait malhonnête de ne pas
citer les apports discrets des Artilleurs Ardennais et Postiers Bretons
utilisés en Pyrénées à compter du début du siècle pour forcir la jumenterie
locale. Loin d’être une tare, puisque chaque époque a ses nécessités, ces
apports ont fait bénéficier la population locale d’un brassage de gènes
éloignant la consanguinité, amélioré un caractère parfois pointu, et surtout
donne du « gros » à une population grêle de partout comme l’a bien décrit
Gayot. Grâce au biotope bien spécifique auquel est soumis la race, en
particulier le dur régime de la transhumance, ces apports se sont
harmonieusement fondus.
Portrait
Nous avons beaucoup parlé d’hommes et d’Histoire jusqu’à
l’heure. Ne soyez pas désappointés. C’est eux qui créent les races chevalines !
mais bien sûr vous brûlez de connaître de plus prés l’objet de notre étude ? Et
bien commençons par le plus important : Le Cheval Castillonnais est un Cheval
sympathique ! Tout simplement parce qu’il est de complexion arrondie, de
stature raisonnable ( 1,45m à 1,55m en moyenne) et surtout futé, doux et facile
à vivre. Voilà sa principale qualité, particulièrement précieuse de nos jours
où l’enthousiasme prend le pas sur la science du cheval auprès d’une clientèle
de plus en plus néophyte. Il doit sans doute à sa vie en troupeaux et aux
dangers naturels auxquels il est confronté durant sa jeunesse, cet équilibre
psychologique important, son principal atout.
Quant au modèle, il doit être distingué, expressif tout en
affichant de la densité et l’épaisseur d’un cheval de service. Sa croupe est
ronde, particulièrement musclée sur des jarrets d’aciers secs et s’engageants
sous lui en action, malgré qu’il soient souvent clos ( Montagne oblige).Ses
avant bras sont forts et ses pieds plutôt grand pour sa taille se terminent par
des sabots extrêmement durs et généralement noirs puisque, marques en tête et
balzanes sont dans la mesure du possible, évitées.
La cerise sur le gâteau, qui signe véritablement le Cheval Castillonnais, c’est
sa robe chaude, chatoyante, d’un beau bai marron à bai brun à nez de renard et
marques de feu aux flancs. Les généticiens modernes, auteurs de la nouvelle nomenclature
officielle des robes sont un peu frustrant en désignant, ce panel automnal, par
la seule et unique expression de « Noir pangaré».
Un dernier mot sur la crinière, abondante contrairement aux fanons, préférée
simple et parfois crêpelée.
Le poids, pour ceux que cela intéresse, occupe une fourchette oscillant entre
400 et 600 kg, donnant à ce sympathique bidet, la silhouette drue d’un
véritable petit cob occitan.
Un mot sur ses allures. Elles ne peuvent, étant donné le
milieu dont il est issu, être troussées comme celle d’un Hackney. Les éleveurs
se satisfont de l’efficacité redoutable d’un pas très étendu et d’un fort
engagement des postérieurs, comme il a déjà été dit plus haut à propos des
jarrets.
La petite agriculture de montagne, le voiturage ( port des
charges à dos au moyen de bâts) au travers des cols Pyrénéens, le service des
diligences locales ayant fonctionné jusqu’au conflit de 1914, les livraisons en
ville dans les agglomérations du bas Pays ( Toulouse, Bordeaux, Narbonne, Béziers
etc.…) la culture maraîchère et viticole ont constitué autant de tests
d’aptitudes pour cette race attachante, fille de la montagne et du travail.
Le Cheval Castillonnais, son attachant pays d’origine et ses éleveurs
convaincus vous attendent…
Le Traginer
Février 2004
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